Covid-19 & Droit (public) de la concurrence

Vous trouverez, sur cette page et grâce à l'aimable autorisation du Prof. Touzeil-Divina, l'intégralité des articles publiés par le Journal du droit administratif, dans ma "chronique" consacrée aux conséquences du Covid-19 sur le droit (public) de la concurrence. Une version enrichie et actualisée est publiée à la Revue Lamy de la concurrence (2020, n° 96).

Nation-1

Concurrence et crise font rarement bon ménage. La situation née de la pandémie du Covid-19 et de l’adoption subséquente de la loi du 23 mars 2020 d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de covid-19 (n° 2020-290, JORF, 24 mars 2020) en est une illustration parfaite. C’est loin d’être la première – et ce ne sera certainement pas la dernière. L’une des constantes de ces situations de crise, qu’elles soient économiques (ce qui est classique) ou sanitaires (ce qui demeure, fort heureusement, plus exceptionnel) est qu’elles engendrent – à tout le moins nécessitent, justifient voire favorisent – un retour de l’État dans le secteur économique (en ce sens, v., les actes du colloque Le droit public économique face à la criseRFDA, 2010, p. 727 et s.). Par voie de conséquence, la concurrence s’en trouve limitée, dans une proportion et une durée variables en fonction des crises…

Il y a donc une forme de normalité dans le fait que l’État réponde à l’anormalité de la situation, par des décisions exceptionnelles. Les commentateurs autorisés ont d’ailleurs déjà souligné que la crise du Coronavirus a un impact considérable sur l’exercice des libertés économiques, particulièrement la liberté d’entreprendre et la libre concurrence (A. Sée, « Les libertés économiques en période de crise sanitaire : un premier état des lieux », 
RDLF,2020 chron. n° 21, www.revuedlf.com). Ce bouleversement est la conséquence directe des mesures de confinement (D. n° 2020-260 du 16 mars 2020, portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus Covid-19JORF, 17 mars 2020), puis de l’instauration de l’État d’urgence sanitaire par la loi (préc.) et le décret du 23 mars 2020 (n° 2020-293, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaireJORF, 24 mars 2020).

Nous voudrions nous autoriser quelques remarques supplémentaires, sans prétendre à aucune systématisation.



(I)

Quand la panique précède la crise :

le retour des blocages administratifs des prix

Avant même que la pandémie n’en soit officiellement une et que l’état d’urgence sanitaire soit déclaré, les conditions du fonctionnement normal de certains marchés économiques étaient ébranlées par le début d’un mouvement de panique d’une partie de nos concitoyens. Ainsi, le 3 mars 2020, la Direction générale de la répression des fraudes (DGCCRF) indiquait son intention d’ouvrir une enquête, après avoir constaté des hausses spectaculaires (mais ponctuelles) des prix de vente des masques chirurgicaux et des gels hydro-alcooliques, en particulier sur Internet (pouvant aller jusqu’à 300 %, voire 700 % du prix de vente initial). Sans en attendre ces résultats, les pouvoirs publics décidèrent deux séries de mesures aussi rares que spectaculaires, et aboutissant à des limitations très importantes dans l’exercice de la liberté d’entreprendre : la réquisition des masques et le blocage des prix des gels hydro-alcooliques.

La suite sur le JDA, ou en téléchargement ici (dans le première version de publication, non actualisée).



(II)

L’État face à la crise :
le retour des nationalisations ?



Peut-on obliger l’État à racheter des entreprises dont l’activité serait indispensable à la lutte contre la crise sanitaire, mais qui seraient confrontées à des conditions économiques tellement dégradées qu’elles seraient menacées de faillite ? Si « nous sommes en guerre », comme l’a clamé à maintes reprises le Président de la République dans son allocution du 16 mars 2020, il ne serait pas illogique que l’État décide de s’équiper de toutes les armes utiles pour mener ce combat à un terme victorieux, si ce n’est glorieux. D’ailleurs – et c’est une chose suffisamment rare pour être soulignée – même le MEDEF s’est dit favorable à l’outil de la nationalisation. Son président a non seulement affirmé qu’il « ne faut pas avoir de tabous en la matière » (sans toutefois utiliser le mot de nationalisation si ce n’est pour se référer à l’exemple américain de General Motors), mais qu’il est indispensable « que l’État soit là si besoin pour venir au secours des entreprises qui seraient dans une situation financière très difficile » (G. Roux de Bézieux, France Info, 23 mars 2020[1]). Il fait ainsi écho au ministre de l’Économie, qui s’est dit décidé à réfléchir à tous les moyens de faire face à la crise du Covid-19, y compris en recourant à « des recapitalisations, des prises de participation ou même des nationalisations si nécessaire » (B. Lemaire, propos rapportés par Le Monde, 18 mars 2020).

La nationalisation serait-elle redevenue tendance ?

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