Journée des docteurs en droit public

L’intégralité des débats de la 2e édition de la JDDPE ont été publiés à la Revue générale du droit, en avril 2014. Les actes sont disponibles en téléchargement ici.

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Présentation générale

En 2006, le Groupe de recherches en droit public économique (GRDPE) de la Faculté de droit de Grenoble a organisé une journée de rencontre entre ses membres et des docteurs ayant soutenu leurs thèses dans le champ du droit public économique. La seconde édition de cette manifestation s’est déroulée le vendredi 8 février 2013.

La Seconde édition de la Journée des docteurs en droit public économique (JDDPE) était structurée autour de deux débats, intéressant des problématiques contemporaines. La matinée a été l'occasion de revenir sur la régulation économique, en se posant la question de la réalité de ce concept. Elle a été rythmée par une présentation croisée des points de vue parfois divergents de B. Lavergne, R. Rambaud et A. Sée.

L'après-midi était consacrée au thème de l'européanisation du DPE, en se posant cette fois-ci la question de l’étendue de cette influence sur l’action économique des personnes publiques. Elle était articulée autour d’un débat développement / résistance au droit de l’Union européenne. Cette occasion a permis une discussion entre D. Guinard, C. Mongouachon et F. Tesson.

Afin de favoriser et de dynamiser les échanges entre les intervenants, et avec la salle, la journée n’a pas été organisée sur le modèle classique des colloques ou tables rondes. Chaque demi-journée a été animée par S. Brameret. Les débats ont été organisés autour d’une quinzaine de questions, permettant aux docteurs soit de présenter des éléments de démonstration, soit d’amorcer une discussion à deux ou trois voix, parfois avec la salle.

L’intérêt d’une telle journée ne réside pas seulement dans l’étude de l’actualité d’un champ disciplinaire. La Journée des docteurs en DPE est aussi l’occasion de revenir des aspects méthodologiques de la recherche universitaire. Une large place a ainsi été accordée à des discussions à caractère méthodologique, autour de questions telles que la méthodologie de la recherche, la gestion des sources, etc.

Thèses présentées le 8 février 2013

Première demi-journée

Débat autour de la notion de régulation

B. Lavergne, Recherche sur la soft law en droit public français, Toulouse, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2013, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2013, 613 p.

La soft law est un concept doctrinal issu du droit international public. Conçue à l’origine comme un ensemble d’énoncés à la force obligatoire atténuée ou inexistante, elle se conçoit désormais comme un concept englobant à même de rassembler tous les phénomènes éloignés d’une certaine idée du droit, fait d’un système de normes obligatoires et sanctionnées par l’Etat. Technique particulière de formulation des énoncés concrétisée dans des actes informels, la soft law recommande un modèle de comportement à ses destinataires. En ce sens, elle s’éloigne considérablement de la norme juridique. Pourtant, la technique recommandatoire renoue des liens avec cette dernière à l’aune des fonctions qu’elle assure : instrument de l’effectivité de la norme juridique, la soft law s’entend comme une technique accessoire et subsidiaire au droit. Cette continuation du droit par d’autres moyens ne peut-elle alors s’intégrer totalement à l’ordre juridique ? Celui-ci en fait une réception graduée qui oscille entre l’absence de prise en considération et l’acceptation ponctuelle de ses effets. Globalement exclue du contentieux de l’excès de pouvoir du fait de sa nature non prescriptive, mais envisagée comme une source de responsabilité de l’Etat dans le cadre du contentieux de pleine juridiction, la soft law fait l’objet d’un contrôle juridictionnel qui traduit l’ambivalence de l’ordre juridique. Le principe de sécurité juridique tend ainsi à l’exclure de ce dernier, alors que dans le même mouvement, on constate une volonté intégratrice du juge qui voit de plus en plus souvent dans la technique une norme impérative. Une norme juridique en somme.

R. Rambaud, L’institution juridique de la régulation. Recherches sur les rapports entre droit administratif et théorie économique, Paris, L’Harmattan, 2012, 930 p.

La question de savoir quels sont le sens et le statut épistémologique de la régulation en droit fait encore l’objet de réponses très hétérogènes en doctrine. Le présent ouvrage vise à démontrer que la régulation constitue une véritable institution juridique du droit administratif français, par le biais d’une méthode originale, fondée sur l’étude des rapports entre le droit et la théorie économique. 

Pour ce faire, l’analyse procède d’abord à une déconstruction des approches de la régulation fondées sur l’analyse économique du droit. Elle démontre ainsi que si cette dernière, par le biais de sa branche de l’économie des réseaux, a été largement transcrite en droit positif et constitue encore la structure sur laquelle une part importante de celui-ci est fondée, elle ne peut cependant prétendre définir ce qu’il faut entendre par régulation aujourd’hui. 

En effet, une analyse approfondie permet de démontrer que l’évolution du droit tend à remettre en cause cette théorie économique au profit d’autres conceptions. Il en résulte alors que la régulation ne peut pas être définie comme une fonction transitoire d’ouverture à la concurrence des industries de réseaux. Dès lors, l’analyse propose un nouveau modèle d’étude des rapports entre le droit et l’économie. 

Envisageant les institutions juridiques comme des ordres juridiques autopoïétiques, elle propose d’opérer une analyse néo-institutionnelle du droit de la régulation qui permet de construire cette catégorie sur la base de la communication entre le droit et la théorie économique néo-institutionnelle. La régulation s’analyse alors comme la fonction administrative prise en charge par une autorité administrative indépendante ou une autorité publique indépendante ayant pour objet la mise en œuvre normative et contentieuse d’un ordre public économique visant à instaurer un équilibre entre la recherche de l’efficacité économique et l’exécution de politiques publiques, à laquelle est attaché un régime juridique spécifique en droit administratif.


A. Sée, La régulation du marché en droit administratif. Étude critique, thèse, Université de Strasbourg, 2010, 794 p.

La notion de régulation du marché fait l’objet d’interrogations récurrentes de la doctrine ces dernières années. Son émergence timide dans le droit administratif positif contraste nettement avec l’importance du discours doctrinal produit sur ce thème. C’est d’ailleurs l’intérêt accordé à ces relations qui est le cœur de cette thèse. La notion de régulation du marché est avant tout une notion du discours sur le droit, une notion descriptive. Mais, au-delà, constitue-t-elle réellement une notion du discours du droit, c’est-à-dire une notion juridique du droit administratif positif ?

Cette étude a répondu par la négative et a montré que la régulation du marché ne relève pas du discours prescriptif, mais d un discours descriptif. Pour arriver à cette conclusion, l’étude a montré que la régulation du marché ne constituait pas une catégorie juridique du droit administratif. Cette notion ne désigne pas un objet spécifique en droit administratif, et renvoie à une fonction traditionnelle de la puissance publique, sans qu’elle soit exercée par des autorités particulières ou des prérogatives déterminées. Elle n y détermine pas la mise en œuvre d’un régime juridique déterminé. La notion de régulation du marché est ainsi dans l’antichambre du droit positif et il paraît improbable qu’elle constitue une notion du droit administratif. Elle n’en demeure pas moins une notion de la doctrine du droit administratif, c est-à-dire une notion du discours sur le droit administratif.



Seconde demi-journée

Débat autour de l’européanisation du droit public économique



D. Guinard, Réflexions sur la construction d’une notion juridique : l’exemple de la notion de Services d’intérêt général, Paris, L’Harmattan, 2012, 578 p.

S’insérant dans une démarche positiviste, la thèse apporte plusieurs enseignements vérifiés expérimentalement par l’analyse de la jurisprudence des juges (internes et de l’Union européenne) et de la pratique décisionnelle de la Commission européenne. 

Les développements de la thèse portent tout d’abord sur les processus de construction de la notion de services d’intérêt général. Les services d’intérêt général procèdent ainsi de diverses sources, de la volonté de plusieurs acteurs et de différents systèmes au sein d’un réseau normatif complexe, régi par un ensemble de mécanismes et de contraintes juridiques que la thèse identifie et dont elle décrit les enjeux et les caractéristiques.

La thèse aborde ensuite les conséquences de la construction de la notion de services d’intérêt général. La configuration de l’ordre juridique de l’Union européenne aboutit en effet à ce que les services d’intérêt contribuent à l’accroissement des compétences des organes de l’Union en permettant aux autorités se prononçant en bout de chaîne contentieuse de proclamer la teneur de l’intérêt général. Cette proclamation se trouve justifiée par des éléments juridiques spécifiques. Leur étude met au jour les mécanismes de raisonnement des acteurs juridiques (Juges de l’Union européenne, Juges internes, Commission européenne) et leurs implications. 


C. Mongouachon, Abus de position dominante et secteur public. L’application par les autorités de la concurrence du droit des abus de position dominante aux opérateurs publics, Bruxelles, Bruylant, 2012, 804 p.

En raison des moyens mis à leur disposition, les opérateurs publics occupent une position de force sur le marché. C’est pourquoi la notion d’abus de position dominante se trouve si souvent mobilisée à leur encontre par les autorités de concurrence. Mais la règle de droit commun est-elle à même de résoudre les problèmes particuliers posés par l’intervention des opérateurs publics sur le marché ? De la pratique décisionnelle des autorités et juridictions nationales et européennes en charge de la concurrence, il ressort une certaine tension entre, d’une part, une tendance à l’uniformité des solutions avec celles qui prévalent à l’égard de toute entreprise ordinaire et, d’autre part, l’apparition d’incriminations et de raisonnements inédits.

Cette ambivalence peut être levée par le recours à l’analyse conceptuelle du modèle de concurrence de l’Union européenne. A l’heure où la Commission européenne et les autorités nationales de concurrence s’engagent à moderniser le droit des abus de position dominante dans le sens d’une plus grande prise en compte des outils économiques, les fondements du modèle originel méritent d’être interrogés. Façonné par une pensée ordolibérale au service de la liberté économique des opérateurs intransigeante face au pouvoir de marché, ce modèle conserve une pertinence importante à l’égard du secteur public.

Capable d’aménager ses raisonnements pour tenir compte des privilèges et des contraintes d’intérêt général liés à l’interventionnisme public, le modèle ordolibéral se présente comme un moyen efficace de réguler la concurrence du secteur public.


F. Tesson, Les limites de l’influence du droit du marché intérieur sur les activités administratives françaises, thèse, Université de Pau et des Pays de l’Adour, 2010, 623 p.

La zone frontière constituée par les limites de l’influence du droit du marché intérieur sur les activités administratives est un terrain privilégié de l’observation des mutations contemporaines du droit public. Il semblait nécessaire d’identifier les facteurs qui conditionnent le mouvement des limites de façon à pouvoir comprendre et anticiper leur évolution. La thèse soutenue est que ces limites varient en fonction des finalités respectives des activités administratives et du droit du marché intérieur.

Il est dans un premier temps démontré que les finalités des activités administratives permettent des aménagements à l’application du droit du marché intérieur. En effet, l’analyse démontre que l’Union européenne reconnaît la marge de manœuvre des autorités nationales tout en l’encadrant. Dans un second temps, il apparaît que les finalités du droit du marché intérieur autorisent l’exclusion de certaines activités administratives de son champ d’application, mais la recherche prouve que cette frontière est poreuse et que le champ d’application du droit du marché intérieur tend à s’accroître. Au-delà de l’identification d’une tendance transversale entre toutes les matières régies par le droit du marché intérieur pour exclure certaines activités administratives, l’analyse montre l’appropriation par le juge national français, notamment par le juge administratif, lorsqu’il est confronté à une situation de droit interne, des concepts issus du droit du marché intérieur. Naît alors une réflexion sur la capacité d’adaptation, voire d’anticipation dont fait preuve le juge administratif français en matière de droit public économique.



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